Coup de tonnerre à Pibrac ce jeudi 17 octobre 2024 avec l’annonce soudaine de la démission de Camille Pouponneau à son poste de Maire de Pibrac. Femme passionnée et engagée, elle a consacré toute son énergie à la gestion de sa ville. Or, dans un contexte de décentralisation des fonctions mais pas des budgets, de surrèglementation et autres lourdeurs d’un système étouffant, Camille a rendu son tablier. Elle s’exprime sur a page Facebook dans ce long et poignant message :
« C’est avec une profonde tristesse que je vous informe de ma démission de mon mandat de Maire de Pibrac et de Conseillère métropolitaine, démission que Monsieur le Préfet de Haute-Garonne vient d’accepter, avec effet immédiat.
Aujourd’hui la dégradation de ma santé mentale, entraînant une dégradation progressive de ma santé physique, ne me permet plus d’assurer ces fonctions avec le recul et l’énergie nécessaires. Je suis arrivée au bout de ce que je pouvais endurer.
Après 10 ans à me consacrer à des mandats électifs au service des autres et du bien commun, je me dois de prendre soin de moi.
Je n’aurai jamais forcé les sourires que je vous ai adressés. Cependant, nous mesurons que rarement ce qui se passe chez notre semblable lorsqu’il ferme la porte de sa maison.
J’ai essayé d’exercer mes fonctions d’élue avec le plus de sincérité, d’humilité et de volontarisme possible, malgré un sentiment d’injustice et d’impuissance constant. J’ai pris ma part.
Malheureusement, je me sens aujourd’hui simple gestionnaire sans aucune marge de manœuvre, noyée sous le poids de règles étatiques rigides et de décisions intercommunales sur lesquelles il est difficile de peser, perdant tout le sens de mon engagement.
Mon quotidien est plus consacré à la maîtrise des déjections canines qu’à des projets structurants pour l’avenir de la commune.
Il est temps pour le petit colibri de prendre un peu de repos après avoir porté tant de gouttes pour éteindre un incendie qui pourtant ne cesse de s’étendre : celui d’un service public en miettes faute de moyens suffisants (et les dernières annonces de coups de rabot vont encore empirer la situation), entraînant en cascade une difficulté à monter en compétences au sein d’une commune comme Pibrac.
Vous le savez, mon prédécesseur et moi avions d’indéniables désaccords sur les valeurs, mais je dois reconnaître avoir été bloquée, comme lui, face à tant des situations réglementaires ubuesques qui nous limitent dans notre action.
A cela s’ajoute la déresponsabilisation progressive des citoyens plutôt prompts à la judiciarisation. Il y a quelques jours, j’ai encore été menacée de poursuites judiciaires sur des propos diffamatoires, des menaces et des injures que j’aurais proférés. Vous me connaissez… Soyons sérieux.
A l’heure de quitter mes fonctions, je mesure l’erreur de n’avoir pas assumé une indemnité décente pour mon mandat de Maire (qui s’élève aujourd’hui à 1127€) et d’avoir assuré deux fonctions : celle de Maire et celle de Directeur de cabinet. Au final, j’ai consacré à ces fonctions au minimum 70h par semaine rémunérées donc à peine 80% du SMIC.
La participation à des mandats électifs devrait être obligatoire ou aléatoire ; elle permettrait à chacun et chacune de mesurer la tâche, complexe et parfois insoluble, d’être au service de la communauté. Avec l’espoir que cela conduise chaque citoyen à modifier son regard sur les autres, le commun et les politiques publiques. Le mien en restera définitivement bouleversé.
Ma reconnaissance restera infinie envers tous ceux et toutes celles, élus, agents, partenaires, qui ont pris part à cette aventure avec beaucoup d’abnégation et envers tous ceux et toutes celles qui n’ont cessé de nous soutenir et de nous encourager.
Convaincue que notre démocratie doit devenir plus mature, et ne doit pas son salut à des individualités, j’ai travaillé avec mon équipe à m’assurer de la continuité de ce que nous avons impulsé : une ville apaisée, une équipe à l’écoute et dans la pédagogie qui poursuivra notre projet de mandat. Notre équipe est constituée depuis près de 5 ans, et elle saura permettre l’émergence de nouveaux talents tout en assurant une continuité de notre action. Je reste une femme progressiste, profondément convaincue qu’une société se façonne par la transmission et non par une stratégie de conservation du pouvoir par une élite. Aussi, notre groupe majoritaire s’est accordé sur la désignation d’une personne au sein de notre équipe pour exercer la fonction de Maire.
De mon côté, je vais préparer ma reconversion, ayant arrêté toute activité professionnelle pour me consacrer à mes mandats. Ne pouvant prétendre à aucune allocation chômage et n’étant pas éligible au fond spécial consacré aux élus, je vais donc m’inscrire pour percevoir le RSA, perception qui sera effective dans 3 mois. Je serai donc sans revenu pendant cette période. Au-delà du fait qu’il est difficile de ne pas être amère face à cette situation, je tenais à vous livrer ce fait afin que chacun prenne conscience que le profil d’une personne au RSA n’est peut-être pas un.e feignant.e profiteur.
J’espère trouver la force de prendre la plume pour, un jour, vous raconter tout cela. D’ici là, j’espère que vous comprendrez et accepterez mon silence, salvateur. Je serai présente demain, vendredi 18 octobre, en Salle du Conseil municipal, ouverte à tous, de 10h30 à 12h30 pour vous saluer une dernière fois.
Prenez soin de vous et ne laissez rien ni personne vous faire perdre votre boussole. Car, comme l’écrivait Marguerite DURAS : “Il reste toujours quelque chose en soi, en vous, que la société n’a pas atteint, d’inviolable, d’impénétrable, et de décisif.” »
Si ce départ semble plus que justifié au regard du cri du cœur lancé par l’une des plus jeunes Maires de l’Agglo, il ne fait aucun doute que Camille Pouponneau a fait de son mieux pour servir la communauté. C’est avec tristesse mais la tête haute qu’elle clôt l’aventure de l’écharpe tricolore. Assurément une Grande Dame.